IV. Annexe 3
Objectif :
Désinfecter l’eau a pour but de détruire le plus possible de Pseudomonas, afin d’amener le niveau de contamination le plus près possible de zéro.
Les bactéries sont seulement véhiculées par l’eau d’un point à un autre. La contamination primaire se situe bien en amont des robinets de distribution. Il faut donc chercher l’origine des contaminations dans les captages : la terre, les végétaux en décomposition, les petits animaux morts, les dépôts, ... Traiter l’eau à l’arrivée sans se soucier le son origine aurait peu d’effet à long terme.
Il arrive que les parois des canalisations se recouvrent d’un biofilm bactérien car Pseudomonas par son équipement enzymatique est capable d’utiliser les "cadavres" des autres bactéries et y trouver des éléments de croissance ou de survie.
Rappel : la qualité de l’eau dépend de sa dureté, du pH, de la présence de sels minéraux (fer, manganèse) et de sa contamination microbiologique. L’eau utilisée en production fermière doit être potable, une réglementation en précise les critères microbiologiques.
Les fournisseurs d’eau ne prennent pas en compte dans leurs analyses la teneur en Pseudomonas, Mucor, Serratia, mais seulement des traceurs d’hygiène tels que les coliformes et autres bactéries facile à isoler au laboratoire.
Principe de la méthode :
Le principe consiste à faire circuler l’eau à traiter devant une lampe émettrice de rayons UV à une certaine longueur d’onde. Les rayons ultra-violets à la longueur d’onde 250-260 nm par la puissance de rayonnement (mW/seconde/cm²) sont capables de détruire des bactéries présentes dans l’eau. Ce rayonnement est suffisant pour bloquer la duplication de l’ADN bactérien et occasionner leur destruction (effet bactéricide) ou leur inactivation (effet bactériostatique). Le temps de contact entre dose d’UV et bactéries à détruire va être au coeur de l’efficacité du système.
L’effet bactéricide ou bactériostatique est différent selon les espèces bactériennes. La quantité d’énergie (dose d’UV) à la longueur d’onde de 254 nanomètres pour détruire Pseudomonas n’est pas dans les plus élevées, montrant leur relative sensibilité.
On sait que les particules en suspension dans l’eau vont faire écran au passage des rayons UV. Ainsi, on va chercher à filtrer l’eau pour rendre le traitement beaucoup plus efficace. Le fer et le manganèse gênent la transmission des rayons par absorption de rayonnement UV. Un principe de base consistera à placer le traitement de désinfection le plus près possible des points de distribution dans le but d’éviter les contaminations de l’eau par la formation de biofilms sur les parois des tuyaux.
Description de l’installation et maintenance :
Connaissance de l’eau et de son utilisation
Avant d’envisager un traitement par UV, il est souhaitable de connaître les paramètres de l’eau : turbidité, densité optique, dureté, et bactériologie.
Un des paramètres à prendre en compte est la répartition des débits sur un cycle de 12 heures en période de travail. Le débit de pointe et le débit instantané sont les paramètres les plus importants. Beaucoup d’installations UV sont inefficaces car l’estimation des débits a été mal faite, l’eau passe trop vite pour qu’il y ait une dose d’UV suffisante au contact des bactéries, surtout si celles si sont nombreuses. Le débit moyen à prendre en compte pour une ferme est de 3m3 par heure.
Dans une étude, nous avons mesuré des pics d’excrétion par décrochement des biofilms de l’ordre du million d’UFC de Pseudomonas par litre d’eau (milieu King B modifié). Dans ces conditions, un traitement UV sera inefficace. Il faudra agir au niveau des captages et envisager un traitement de finition par le chlore après le traitement UV.
Dans les régions où les Pseudomonas contaminent fréquemment et fortement les eaux, il faudra envisager d’adjoindre systématiquement une chloration de l’eau destinée à la fromagerie surtout s’il y a délactosage du caillé en cuve, saumurage et fabrication de caillé doux ou pâte molle à croûte lavée.
Dispositif de filtration de l’eau
Toutes les particules placées entre la lampe et la bactérie vont diminuer la dose de rayonnement et une partie des bactéries va passer à travers la chambre de traitement sans être détruite.
En fonction des caractéristiques de l‘eau, on va placer des filtres pour retenir les particules en suspension. L’installation la plus simple sera composée de deux filtres, l’un pour le dégrossissage (5 -10 microns) et l’autre pour la finition généralement avec une taille de 1 micron.
Dans le cas d’une eau très chargée en matières en suspension, un filtre à sable ou un filtre à tamis (25 microns) sera nécessaire pour débarrasser l’eau des particules. Ces deux types de filtres sont lavables. Un filtre qui s’encrasse diminue très fortement l’effet des rayons UV et l’efficacité du traitement sera lié à la qualité de la filtration de l’eau avant traitement. Le fer étant un obstacle à l’efficacité du traitement UV, il est possible de d’adjoindre après filtration un défériseur à base de résine. Il est possible d’enlever jusqu’à 10 mg de fer par litre d’eau.
Lampe émettrice de rayons
Les rayons UV sont émis par une lampe à vapeur de mercure (longueur d’onde 254 nm) dans une chambre de traitement ayant un pouvoir de réflexion élevé. Elle a une durée de vie limitée (indiquée par le fabricant). Les lampes sont souvent placées dans des gaines de quartz afin de les isoler thermiquement de l’eau.
L’efficacité du rayonnement désinfectant dépendant de : la turbidité de l’eau, des matières en suspension, de la présence de minéraux, de sa dureté.
Appareils de régulation
Un boitier électrique assure l’allumage des lampes, le comptage des heures de fonctionnement de la lampe et une alarme indique un éventuel dysfonctionnement.
Canalisation de distribution de l’eau :
Placer la lampe de désinfection le plus près des points de distribution (robinets) afin de limiter la longueur des tuyaux qui se recontaminent.
Un bi-passe doit être monté au départ de l’installation car couplé à l’électrovanne de fermeture de l’eau, il permettra de désinfecter les tuyaux situés entre la lampe et les robinets de distribution.
Maintenance
Analyse de l’eau : Monter une installation de désinfection ne suffit pas. Il faut un minimum de contrôle d’efficacité par l’analyse des Pseudomonas deux fois par an.
Les filtres sont à changer régulièrement en fonction de leur encrassement qui entraîne une perte de charge.
Le sable et les tamis seront lavés en fonction de l’encrassement.
La lampe devra être systématiquement changée chaque année et des contrôles bactériologiques de l’eau effectués. Un des échecs du traitement par UV vient du fait de la recontamination des tuyaux situés entre la lampe et les robinets de distribution. Ils doivent être donc désinfectés. Pour cela, il faut arrêter le fonctionnement de l’installation, et grâce au bi-passe, mettre du chlore dans les tuyaux dans le but d’atteindre les biofilms, ceci entre 1 ou 2 fois par an. A cette occasion, vérifier l’entartrage de la chambre et éventuellement installer un adoucisseur d’eau. A la mise en route, il ne faut pas oublier de faire une désinfection des tuyaux.
Après les périodes orageuses, il est conseillé de contrôler l’installation : colmatage des filtres et contamination des tuyaux de distribution.
Pendant la nuit, le débit est au minimum, la lampe marche et la chambre chauffe. En présence d’eau calcaire, il y a alors formation de tartre. Le détartrage à l’acide chlorhydrique est à faire 3 fois par ans pour une eau supérieure à 40°TH.
Eléments de calcul d’une installation :
Les éléments demandés pour le calcul d’une installation sont :
*le débit minimum en litres/seconde ou m3/h
*la pression d’utilisation de l’eau
*la population microbienne à éliminer
*le niveau de contamination en Pseudomonas
*le niveau de décontamination souhaité
*la nature de l’eau et son origine
Avantages et inconvénients :
Ce traitement physique est séduisant par différents aspects :
*il ne change pas les caractéristiques organoleptiques de l’eau
*il évite la corrosion des canalisations et joints en caoutchouc
*il n’y a pas de résidus de produits ni de surdosage
*la lampe fonctionne en continue pour une durée de 8000 heures (1 an)
*il élimine aussi les autres bactéries transportées par l’eau : Listeria, salmonelles, E.coli, ...
Il présente cependant des inconvénients :
*il n’y a pas de rémanence puisqu’il n’y pas de molécule en solution mais les tuyaux se recontaminent
*le fer et le calcaire réduisent l’efficacité de l’UV
Notre conseil : surdimensionner la chambre de traitement par rapport au débit d’eau instantané et ne pas économiser sur la filtration et la maintenance.
En cas de problèmes et d’accidents sur les fromages dus à Pseudomonas ou Serratia, l’ajout d’une chloration en ligne après l’UV est vivement conseillé et sera vite amorti.
Source : Paul Le Mens, Institut de l’Elevage